sculptures monumentales

Jean-Charles Stora :

L’apprentissage du regard.

 

Les pièces de Jean-Charles Stora ne sont pas des objets préalablement chargés de sens et d’émotions puis proposés à notre interprétation ; elles sont simplement offertes à notre regard. De ce point de vue, plus que des sculptures, ce sont des constructions.

Voyez d’abord le métal : pas comme un élément naturel, mais comme un matériau de construction. Regardez les marques de l’activité humaine dans la rouille, la grisaille, la matité, la luisance. Regardez les surfaces planes, les sections cylindriques, les soudures, les traces de polissage, tout ce qui montre la manufacture ; la rigidité et la souplesse, la force et la finesse, tout ce que nous nommons architecture.

Regardez vers le bas. Appréciez les socles nécessaires, l’épaisseur des plaques de métal, l’endroit précis où les tiges sont fixées à leurs bases. Comme dans toute architecture, ces éléments font partie de l’œuvre ; ces techniques de support et d’assemblage sont aussi des indications, des flèches qui désignent les formes qu’elles rendent possible, les équilibres qu’elles permettent.

Plus haut, au bout d’une tige ou dans la fente d’un bloc, suspendus ou coincés, d’autres matériaux, d’autres formes, d’autres couleurs, font détail avec précision. Cailloux, morceaux de bois bruts laissés en l’état auquel leur nature les conduit ; ou à l’inverse surfaces travaillées, objets manufacturés, peints de couleurs vives. Ces éléments attirent notre regard et pourtant ils ne disent ou ne suscitent rien en eux-mêmes. Leur présence ne fait qu’indiquer ce qui les tient là, ce qui les rend possible ; leur attirance est un guide pour notre regard, un guide pour voir la forme réelle : la construction dans les rapports de tous les éléments qui la composent.

Les constructions de Jean Charles Stora nous touchent parce qu’elles ne montrent que leur nature humaine, qui est d’être construite par un regard. Ainsi nous apprennent-elles à regarder vraiment : elles nous montrent que nous aussi construisons ce que vous regardons. Saisis par ce renversement, nous avons envie de dire qu’il est mystérieux ; reconnaissons simplement que nous sommes alors profondément émus de comprendre ce qui est proprement humain dans toutes nos activités : la nécessité de construire ce que nous regardons.

 

Gérard RENAUDO